mardi 21 juin 2011

LETTRES ET Révolutions

De Sophie Oudin-Bensaïd

Porto Alegre. Une nuit d’octobre 1984. Dans l’appartement d’un ancien nazi qu’il poursuivait, Celso, cerné, gît dans son sang. Suicidé ou abattu par la police ? En tentant de savoir, Flavia Castro retrace le parcours de son père, militant révolutionnaire : Brésil, Argentine, Chili, la lutte armée, la clandestinité, le spectre de la torture et la mort qui rôdent, l’exil à Paris puis au Venezuela, jusqu’au retour, et ses petits matins au goût amer…

Documents d’archives et lettres de Celso ; témoignages de ses camarades et des siens – dont des femmes ô combien épatantes ; souvenirs d’enfance de Flavia, embarquée dans cette aventure avec son petit frère, où elle jouait « aux réunions plutôt qu’à la marchande » ; rires des retrouvailles les années écoulées, et moments où l’on songe : toute une histoire, si loin, si proche.

On connaissait déjà Flavia Castro par le remarquable Che : Journal de Bolivie (Fipa d’or 1994), où elle était l’assistante-réalisatrice de Richard Dindo. Primé aux festivals de Biarritz, de Rio de Janeiro, de Punta del Este, entre autres, le film qu’elle signe aujourd’hui est passé le mois dernier à Buenos Aires devant des salles combles émues aux larmes, où toute une jeune génération était présente aussi.
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Qu’on ait connu comme moi cette période ou pas, on ne peut qu’être bouleversé par ce film passionnant. Au terme de cette enquête de Flavia Castro sur la mort de son père, l’énigme certes subsiste, mais, au fil de sa recherche obstinée, se trouvent restitués — et avec quel talent dans la narration et les images ! — tous les aspects du militantisme révolutionnaire des années soixante-dix en Amérique latine. Période où la IVe Internationale s’était lancée dans la lutte armée, avec des militants hors pair que l’on reconnaît ici : Flavio, ex-député du PT brésilien, ou Neneca, d’autres, et Celia, l’ancienne compagne de Celso, la mère de Flavia, qui domine ce film avec la même allure que je lui connaissais à Rotographie, notre imprimerie, où elle travailla. Toujours souriante, calme, posée, et pourtant quel passé, que beaucoup ignoraient ! Le film retrace le militantisme de l’époque : les réunions, la clandestinité, les pseudos, les armes planquées, les coups durs et la répression. La mort, la torture. Malgré ces terribles souvenirs en arrière-plan, tous ces combattants qui témoignent, sans jamais langue de bois, ont gardé intact l’humour de leur jeunesse. Et Flavia filme, tantôt avec les yeux de l’enfant de militants qu’elle était, tantôt avec ses yeux d’adulte d’aujourd’hui. Un hommage magnifique à un combat qui continue encore sous d’autres formes.

Alain Krivine




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