mardi 21 juin 2011

Chili, les Damnés de l’eau à Pau

De Marianne Ligou

Depuis une dizaine d’années, les villageois de Camaines, au Chili, résistent contre la multinationale minière Pelambres. Propriété d’actionnaires japonais et chiliens, la compagnie minière détruit une vallée : un immense barrage, fait de terre et de sable, a été construit et la rivière est à sec. Cet endroit est devenu la plus grande poubelle chimique d’Amérique latine. Dans ce pays où les tremblements de terre sont fréquents, les habitants vivent sous la menace permanente de la rupture du barrage qui a été construit juste au-dessus du village, sans respecter les normes anti­sismiques. L’air est pollué, les arbres fruitiers, activité principale de la vallée, sont moribonds. L’eau qui alimente le village devient rare et empoisonnée. Les villageois nous ont raconté « qu’elle coule jaune, et que les récipients deviennent verts à son contact ». Aucun laboratoire chilien n’a accepté d’effectuer des analyses de cette eau, ce qui en dit long sur les complicités à l’œuvre dans le pays.


D’ailleurs la multinationale continue d’avancer : par la corruption massive qui a fait que le gouvernement de « la concertation » (PS et DC) a accepté le projet alors que la Cour suprême s’était prononcée contre ; par l’intimidation et la répression contre les habitants, qui, après avoir épuisé tous les recours, ont mené une grève de la faim pendant 81 jours. Au Chili, aucun média ne parle de leur lutte, ils se sentent condamnés à mourir dans leur coin...Jean Ortiz et Dominique Gautier ont retracé cette lutte dans leur documentaire, les Damnés de l’eau1. Deux habitants de Caimanes, Juan Ruiz et Juan Villalobos ont été invités par le festival Culturamérica à venir à Pau apporter leur témoignage. Ils ont tous les deux participé à la grève de la faim et en gardent des séquelles physiques (vision très détériorée, problèmes digestifs). Leur présence n’est pas bienvenue dans l’Europe de Schengen. Malgré des passeports et des visas en règle, des billets d’avion aller-­retour, une invitation de l’université de Pau, ils ont été retenus à Madrid à leur sortie de l’avion, et seule la menace d’un scandale médiatique a permis qu’ils ne soient pas renvoyés au Chili. Des échantillons d’eau de Camaines qu’ils avaient emportés avec eux à des fins d’analyse ont mystérieusement disparu de leurs bagages.

Ils espèrent que leur voyage en France permettra de briser le silence qui a jusqu’à présent entouré leur lutte. Les multinationales pensent pouvoir détruire les hommes et les terres en toute impunité contre de l’argent. L’eau et l’air sont des biens communs que nul ne doit s’approprier. La lutte des habitants de Caimanes est la nôtre.

1.http://www.youtube.com/watch?v=PeTk0slmeNY

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