Par Béatrice Whitaker
Les crises successives qui traversent le système capitaliste atteignant toute une civilisation, imposent la nécessité de créer un nouveau modèle de société adapté aux peuples de la planète. Depuis quelques années, les problèmes posés par le réchauffement climatique ont anticipé la nécessité de réponses aux conséquences dramatiques, liées à la réalité de la société capitaliste, non seulement sur l'organisation et les conditions du travail, sur le mode de production, mais aussi sur la santé des humains et sur les ressources naturelles de la planète, avec un impact désastreux sur la biodiversité.
Les crises successives qui traversent le système capitaliste atteignant toute une civilisation, imposent la nécessité de créer un nouveau modèle de société adapté aux peuples de la planète. Depuis quelques années, les problèmes posés par le réchauffement climatique ont anticipé la nécessité de réponses aux conséquences dramatiques, liées à la réalité de la société capitaliste, non seulement sur l'organisation et les conditions du travail, sur le mode de production, mais aussi sur la santé des humains et sur les ressources naturelles de la planète, avec un impact désastreux sur la biodiversité.
Désormais celles et ceux qui luttent pour un autre système, ne peuvent plus se limiter aux revendications pour les salaires, pour l'emploi, contre la fermeture des usines, contre les délocalisations ou pour la production industrielle intensive.
Désormais, il faut chercher à produire d'abord en fonction de la pérennité des besoins élémentaires des peuples – il faut se poser les questions du « qu'est-ce qu'on produit, pour qui on produit, avec quels moyens ?… », en harmonie avec la préservation de l'environnement et des ressources naturelles.
Au lieu de placer l'être humain en situation de dominer la nature, ce sont les enseignements des peuples originaires des Amériques, qui inspirent un nouveau modèle, une nouvelle société, où l'être humain est la propriété de la terre et non le contraire. En ce sens, le mouvement ouvrier ne peut qu'enrichir leurs propositions alternatives à l'actuel modèle, au fur et à mesure qu'il s'empare de leurs expériences millénaires, actuellement à l'ordre du jour, grâce aux luttes de communautés entières, en particulier en Amérique du Sud.
Cependant, cela ne veut pas dire que le rôle de la classe ouvrière a changé ou que les problèmes de l'environnement priment sur ceux de la lutte de classes, mais, au contraire, cela nous conduit à entériner l’idée que les causes des désastres sociaux et environnementaux sont dues à la recherche continue d'accumulation, propre au système capitaliste, et que les principales victimes de cette course sont les prolétariats urbains et ruraux.
Devant les problèmes et les menaces engendrés par le système, la bourgeoisie impérialiste répond à sa façon: encore plus de production, « à condition qu'elle soit propre », car les industries d'énergies renouvelables contribuent à l'augmentation des crédits carbone afin de pouvoir négocier avec celles qui sont les plus polluantes, en accord avec le Traité de Kyoto.
Elles s'installent dans les pays développés, et continuent à polluer dans les continents dits en développement, en intensifiant les échanges commerciaux des déchets et la mise en place des industries extractives.
Depuis quelques années, les industries françaises et européennes développent leur activité dans presque tous les pays latino-américains, en exploitant leur savoir faire dans le domaine « du propre » et du traditionnel. Areva est implantée en Argentine, au Brésil, au Chili, en Colombie, au Mexique et au Pérou; Total est présent en Colombie, en Argentine, et exploite le pétrole dans la vallée de Magallanes, dans le sud du Chili; Veolia Bionersis exploite le méthane; EDF a signé un contrat d'achat de crédits carbone dans ce continent; GDF et d'autres transnationales ont pénétré dans l'univers des énergies renouvelables en Europe avec le solaire, les éoliennes, l'éthanol, tandis que des dizaines d'usines hydroélectriques sont en train de ravager le continent afin d'alimenter ces mêmes transnationales.
A côté de la pénétration industrielle massive, l'irruption du capital financier des puissantes banques européennes (Santander, Crédit agricole, Société générale...), contribue au commerce des échanges et aux finances. De même, Carrefour, Leroy Merlin, Castorama et tant d'autres dominent le secteur de la distribution... Tout cela contribue au développement du système, même si la contrepartie est la destruction totale ou partielle de communautés entières, de leurs ressources, de leurs territoires et de leurs cultures.
De l'autre côté, quelles réponses?
Depuis des siècles, les peuples originaires affrontent les saccages néo-colonialistes des puissances européenne, étasunienne, et plus récemment chinoise et leur résistent en se donnant des formes d'organisation continentales, en essayant de mobiliser d'autres couches du prolétariat urbain et rural, en prouvant qu'il est possible d’envisager une autre société, basée sur d'autres valeurs : une civilisation où les humains appartiennent à la nature et non l’inverse. Les territoires où ils habitent ne sont donc pas la propriété d'une classe ou d’individus, et encore moins des transnationales, mais, au contraire, ce sont les peuples qui appartiennent aux territoires. Il s’agit là d’une piste de réflexion, basée sur le respect de la terre et des êtres qui y vivent. Leur idée est basée sur l'unité de la nature, de la société et de la culture. Son prolongement se traduit par le rejet de la marchandisation de la vie, par l'abolition des frontières, par la défense d’États plurinationaux, revendication de formes de démocratie directe. Ils se rendent compte de l'ampleur des débats qui circulent dans un monde à la recherche de nouvelles perspectives émancipatrices et proposent trois axes de discussion pour affronter la crise de la civilisation engendrée par le capitalisme :
- la « démarchandisation » de la vie et de la biosphère, afin de garantir un autre rapport des individus entre eux et avec la nature
- la décolonisation du pouvoir et des institutions à partir de la démocratie directe et de gouvernements autogérés, soit dans les villes, soit dans les communautés (1)
- la promotion et le dialogue entre des savoirs alternatifs issus de populations et cultures différentes - les afro descendants, les peuples originaires, les immigrés de tous horizons (2)
La réflexion des peuples originaires est le fruit de leur vécu millénaire qui est en train de s'étendre à d'autres peuples, curieux de trouver des solutions alternatives à celles imposées par le capitalisme. C'est précisément de ces peuples que les travailleurs européens doivent se rapprocher aujourd'hui s'ils veulent construire un vrai rapport de forces vis-à-vis du système. Composés d'ouvriers, de paysans, de professeurs, de professionnels les plus divers, dans les différentes régions des Amériques, les originaires approfondissent une stratégie pour le « Bien Vivre », basée sur la souveraineté alimentaire, sur les économies collectives – des concepts aux antipodes de l'idée du « bonheur » capitaliste productiviste... Ils se prononcent contre tous les traités ou accords de libre échange, contre la militarisation des territoires, contre la criminalisation des mouvements sociaux, contre le blocus de Cuba, et ils soutiennent le peuple palestinien contre l'invasion d'Israël4.
Il est temps que syndicats, partis politiques, organisations sociales diverses organisent un agenda d'activités coordonnées entre peuples originaires et travailleurs de deux continents. Ce
sont ces liens qui pourront contribuer au vrai enrichissement de l'humanité.
De la solidarité ou des luttes communes?
L'adoption des traités et des accords entre l'UE et les pays dits émergents, devrait constituer le moteur des luttes et des revendications syndicales en France et en Europe, en coordination avec celles qui se déroulent en Amérique latine et dans les Caraïbes, car ils signifient la mise en place d'une politique néocoloniale couronnée d’effets néfastes pour les travailleurs
– délocalisations des entreprises européennes à la recherche de la force de travail au plus bas coût; chantages en tous genres destinées à assujettir les travailleurs par le biais de la concurrence entre les peuples...
Les traités et les accords avec l'AL et les Caraïbes s’appuient en AL (à l'exemple du Honduras), mais aussi -de manière différenciée et combinée- en Europe, sur des pratiques bien peu démocratiques, ainsi que le montrent les moyens employés pour imposer par en haut les contreréformes libérales en cours dans plusieurs pays, les moyens expéditifs utilisés pour résoudre les conflits sociaux, le « maintien de l'ordre et de la sécurité » et la défense de la grande propriété privée par la peur ou la répression, le tout érigé en une « vérité » défendue par les mass-médias, et désormais adoptée et adaptée par la social-démocratie. Des larges secteurs du mouvement ouvrier européen posent, d'ores et déjà, la question non pas de « produire toujours plus, pour plus de monde » mais de « produire quoi, comment et pour qui ? »... Le système a atteint des degrés extraordinaires d'exploitation lors de ce dernier siècle et les nouvelles générations, plus informées que celles du passé, affrontent leurs problèmes avec lucidité.
Ils concernent non seulement le travail et la manière dont il est organisé, mais aussi la production et les aspects nocifs de ce qui est produit. La dénonciation par le syndicat Sud du harcèlement des salariés par la direction de France Telecom et par la Poste, en est un exemple4.
Cependant, l'utilisation du harcèlement à des fins d'exploitation et de rentabilité est un évènement courant sur les deux continents5 : voilà l'autre trait commun aux luttes des travailleurs des deux continents et d'ailleurs...
En ces années de tourmente pour le capitalisme mondialisé, les pays impérialistes doivent trouver des issues pour atténuer les conséquences d'une crise fabriquée par eux-mêmes. Les responsables de cette politique n’envisagent que pour seule alternative, ici et là bas, de la faire payer par les populations, au moyen de mesures de criminalisation des actions revendicatives et de militarisation des territoires.
Néanmoins, ces populations ne se laissent pas envoûter par l'engrenage des « sacrifices » exigés, comme en Grèce et en Islande. Face au capitalisme mondialisé, la réponse consiste à organiser des luttes communes internationales, pour la souveraineté alimentaire et énergétique, pour le contrôle démocratique de l'économie, pour une planification écologique décentralisée dans les zones rurales et urbaines, pour l'abandon progressif des énergies fossiles et nucléaires, pour l'accroissement des systèmes publics gratuits de santé, d’éducation, d’accès à l'eau, de transport, pour la fin du militarisme et des guerres...
Le Sommet des peuples à Madrid en mai 2010, devra permettre la consolidation des liens entre les mouvements sociaux les plus divers et les partis politiques investis dans la lutte anti-impérialiste et contre le capital, en définissant un agenda de manifestations et d'actions contre la mise en place des traités et des accords de l'UE, pour le Bien Vivre de l'humanité.
(1) «Communautés», ici, a le sens de groupes constituant une société qui met en commun des biens.
(2) www.mikandina.org
(3) Déclaration
de Mama Quta Titikaka, Amériques latines en lutte, N° 2 juin-août 2009.
http://ameriquelatineenlutte.blogspot.com
(4) Le Parisien. 09/04/2010 «L'avocat de Sud-PTT veut que soit jugé « le management
par le stress» »
(5) JÔSCH, Mélanie. La Historia filmada del asedio al pueblo mapuche-pehuenche.
Accessible en : Http://www.rebelion.org/noticia;php?id=14542
(3) Déclaration
de Mama Quta Titikaka, Amériques latines en lutte, N° 2 juin-août 2009.
http://ameriquelatineenlutte.blogspot.com
(4) Le Parisien. 09/04/2010 «L'avocat de Sud-PTT veut que soit jugé « le management
par le stress» »
(5) JÔSCH, Mélanie. La Historia filmada del asedio al pueblo mapuche-pehuenche.
Accessible en : Http://www.rebelion.org/noticia;php?id=14542
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