lundi 18 janvier 2010

Chili : Retour de bâton

Par Franck Gaudichaud

« Après 20 ans de gouvernement de la Concertation, cette nuit nous a offert la merveilleuse responsabilité de conduire les destinées de la patrie » : c’est ainsi que le multimillionnaire chilien Sebastian Piñera a savouré sa victoire aux élections présidentielles, dimanche soir, devant des milliers de sympathisants. Dans son premier discours, il a appelé à « l’Unité nationale » et réitéré ses thèmes de campagne favoris, aux accents populistes, dont la lutte contre « la délinquance et le narcotrafic », tout en se prétendant préoccupé « des plus faibles ». Il remporte le second tour avec 51,6 % des voix au nom de la « Coalition pour le changement » qui regroupe la droite libérale (Rénovation nationale) et les secteurs réactionnaires (Union démocratique indépendante), soutiens directs de la dictature militaire (1973-1989).

Face à lui, l'ancien président démocrate-chrétien Eduardo Frei obtient 48,4 % des votes. Il défendait les couleurs de la « Concertation pour la Démocratie », coalition centriste (sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens) à la tête du gouvernement depuis 1989. Cette alternance met donc fin à 4 mandats successifs d’une coalition social-libérale qui s’était largement adaptée au modèle néolibéral hérité de la dictature, tout comme à la Constitution autoritaire de 1980, amendée mais jamais remise en cause. Il s’agit d’un tournant politique où la Concertation est en crise et n’apparaît plus comme une option stable au service des classes dominantes. Cela s’est vu dés le premier tour, notamment avec les 20% en faveur de la candidature dissidente de Marco Enriquez Ominami, lui-même issu de la Concertation et qui mélangeait quelques mesures progressistes avec un programme économique libéral. Face à cet immense marketing politique, le Parti communiste chilien et ses alliés ont proposé la candidature de Jorge Arrate, ex-ministre de la Concertation et un programme appelant à des réformes sociales combiné une alliance « instrumentale », au niveau des élections législatives, avec la Concertation, afin de rompre leur « exclusion institutionnelle »1… Ainsi aucun porte voix des classes populaires indépendant n’était présent dans cette campagne : la gauche radicale, notamment le jeune Mouvement des peuples et des travailleurs (MPT), qui regroupe plusieurs petites organisations anticapitalistes, à fait campagne pour « annuler le vote », dénonçant cette absence d’alternative. Le retour de la droite chilienne est historique : le dernier président de droite élu est Allessandri en… 1958. Désormais, c’est un représentant direct de la bourgeoisie qui sera aux commandes : surnommé le « Berlusconi chilien », Piñera est un entrepreneur, qui s’est enrichi durant la dictature. Il contrôle une des principales chaînes de télévision du pays, la compagnie d’aviation Lan Chile et un important club de foot. Face à une droite « décomplexée » qui va accroître la marchandisation du Chili, la répression des mouvements sociaux et peser sur l’échiquier régional en s’alignant sur la Colombie et les Etats-Unis, le défi est bien la reconstruction d’une gauche anticapitaliste : « une alternative politique indépendante des intérêts des classes au pouvoir et de leur expression politique », comme se propose de le faire le MPT aux cotés du mouvement populaire.


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