lundi 16 novembre 2009

Mercedes Sosa, la voix de la souffrance latino-américaine

Le 4 octobre dernier, l’une de plus grandes voix du monde et particulièrement du chant protestataire d’Amérique latine s’est éteinte laissant un grand vide et une profonde tristesse.

Mercedes Sosa, la Negra
, avec une trajectoire artistique de presque 60 ans et quelque 46 œuvres discographiques, était l’icône de la musique folklorique latino-américaine avec un chant porteur d’un profond compromis social.

Dès son premier album « Canciones con fundamento » (« des chansons avec raison ») elle dénonce les problèmes sociaux et devient porte voix des luttes démocratiques.


Née en 1935 dans le Nord argentin, celle pour qui « la vie n’était faite que de chant » commence à chanter à l’âge de 15 ans et rencontre un grand succès artistique à partir de 1965. En 1972 sort Hasta la victoria siempre, un disque chargé de contenu social et politique qui connaît la censure argentine. Pendant la dictature militaire, instaurée en 1976, ses disques sont interdits au public, principalement celui intitulé simplement Mercedes Sosa qui rend hommage à Victor Jara et à Pablo Neruda.


Malgré la menace de la dictature, elle décide de rester en Argentine jusqu’à 1979 où est arrêtée après la sortie de son disque Serenata para la tierra de uno. Exilée d’abord à Paris puis à Madrid, ses concerts deviennent alors une dénonciation ouverte de la dictature militaire en Argentine et sa chanson « Todo cambia » l’hymne des exilés argentins. A la fin de la dictature, en 1982, et « à la façon de la cigale » qui chante au soleil après un an passé sous terre, elle revient chanter en Argentine.


Femme d’une lucidité exceptionnelle, elle abordait par ses chants les problèmes et les difficultés de son époque, passant par les souffrances des paysans et des indigènes face au patronat et aux propriétaires terriens, par la dénonciation de la dictature et la mise en péril de la démocratie jusqu’aux conséquences plus actuelles des politiques néolibérales. Bref, c’est elle-même qui a défini le rôle de ses chansons dans son dernier album, Cantora : «Ces prix ne me sont pas seulement décernés parce que je chante, mais parce que je pense. Je pense aux êtres humains et à l'injustice. Je pense que si je n'avais pas pensé, mon destin n'aurait pas été le même. Il aurait été celui d’une chanteuse banale. Je me rends compte, de ce fait, que je ne me suis pas trompée quand j’ai commencé à penser idéologiquement ».


Autant de disques, de concerts, de chansons qui sont des legs infinis d’une artiste qui a toujours été alerte, sensible et capable d’interpréter comme personne la tristesse, la colère et la nostalgie de la réalité latino-américaine.

Bettina Ghio

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