mardi 21 juin 2011

Pourquoi un tel Bulletin

Depuis maintenant plus d’une décennie, l’Amérique latine apparaît comme une zone de tempêtes pour la domination néolibérale planétaire. Elle a connu parmi les plus importantes mobilisations collectives contre les conséquences sociales, politiques et écologiques du capitalisme prédateur dans les pays du sud, avec -dans certains cas- des réactions en chaîne ayant abouti à la démission de gouvernements conservateurs, à la remise en cause de privatisations majeures, à la déroute de certaines entreprises multinationales et à un retour sur le devant de la scène de la question sociale et des débats sur les transitions postcapitalistes. De manière inégale et combinée, il existe dans le sous-continent une crise partielle de l’hégémonie impérialiste et, dans certains pays, de la domination historique des oligarchies locales. Le changement des rapports de forces en Amérique latine est avant tout le produit de mouvements sociaux radicaux, parfois transnationaux, qui ont articulé revendications démocratiques (assemblées constituantes, reconnaissance de l’État plurinational) avec une orientation anti-néolibérale (critique du saccage causé par des multinationales), anti-impérialiste (refus du « consensus de Washington »). Cette réalité des luttes de classes est évidemment différenciée suivant les pays et montre une multiplicité d’acteurs sociaux en résistance : luttes indigènes au Pérou, en Bolivie et Équateur, des chômeurs en Argentine, des sans-terre au Brésil et en Bolivie, mobilisations syndicales au Mexique ou au Chili, féministes en Amérique centrale, etc… Cette conjoncture est aussi celle d’un montée en force d’une nouvelle intégration régionale (ALBA, UNASUR, etc) qui marque une autonomie croissante de la région face aux puissants voisins du Nord.

Morales et les mouvements sociaux... La fin de la lune de miel ?

Par Hervé do Alto

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales en 2005, la conflictualité sociale, autrefois synonyme de résistance aux réformes néolibérales, ne s’est pas atténuée, loin de là . Mais celle-ci connaît une véritable transformation : si bon nombre de conflits trouvaient leur origine dans la confrontation opposant le gouvernement à l’oligarchie de Santa Cruz et la droite en général, ce sont bien, désormais, des mouvements autrefois proches de Morales qui se mobilisent contre lui. Le mouvement en faveur d’une hausse des salaires qui s’est développé au début du mois d’avril, et qui a donné lieu à une forte mobilisation sous l’égide de la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB), est un signe de ces changements. Portées principalement par certains syndicats tels que les enseignants et les travailleurs de la santé, ces luttes pour des augmentations de salaires ne sont pas nouvelles. Mais c’était dans une relative marginalité que ces organisations arpentaient habituellement les rues de La Paz ou Cochabamba en défense des services publics.

San Juan Copala: Continuons à rompre le silence

Par Janique Lauret avec Marion Sarrazin

Le peuple Triqui est originaire de la région de la Mixteca dans l’Etat de Oaxaca, au sud du Mexique. Depuis le milieu du XIXème siècle, ce peuple ne cesse de réclamer son autonomie vis-à-vis des instances gouvernementales. Mais le gouvernement fédéral n’hésite pas à utiliser une répression acharnée pour tenter d’anéantir ce droit à l’autonomie et maintenir cette population indigène sous son contrôle. Il est important de rappeler que les Triqui ont toujours résisté de manière pacifique face à la répression orchestrée par les partis politiques et mis en œuvre par divers groupes armés. Le village de San Juan Copala constitue l’un des symboles les plus forts de la lutte Triqui car il est très vite devenu le lieu central de l’organisation de cette résistance mais aussi celui qui vit le plus durement l’acharnement policier et paramilitaire.

En peu de temps, une politique déjà calibrée...

Par Béatrice Whitaker

En moins d’un semestre, Dilma Roussef, la présidente élue au Brésil, a déjà fait ses preuves en matière de continuité avec l’orientation adoptée par Lula, son prédécesseur, elle l’a même consolidée. Malgré ses promesses d’« éradication de la misère, de la faim… », elle reste toujours plus préoccupée de satisfaire les représentants de la bourgeoisie brésilienne et impérialiste. Une posture bien assumée car elle se charge à tout moment de d’affirmer l’importance du développement des industries, du commerce, des exportations, de la finance… à son avis, les seuls facteurs capables de contribuer à résoudre le chômage et la misère. Elle se maintient donc aucune peur de perdre la popularité dont elle a hérité de Lula, qui arrivait à 80% de satisfaction populaire, selon les sondages les plus sérieux.

La Libye met mal à l’aise la gauche latino-américaine

Stupéfiant et inquiétant parallélisme. Alors que de nombreuses chancelleries européennes sont inquiètes à l’idée de voir le colonel Kadhafi, qui était il y a peu encore un «ami intime» (Silvio Berlusconi) ou tout du moins un partenaire économique vital (90% du pétrole libyen prenait le chemin de l’Europe), tomber sous la pression de son peuple, une autre peur s’empare des gouvernements de gauche «progressistes» d’Amérique du Sud: celle d’assister à la chute d’un... camarade révolutionnaire. Le premier cas de figure n’a au fond rien de très surprenant. L’Europe capitaliste préfère un partenaire fiable, même s’il fut longtemps en tête de liste des terroristes les plus infréquentables de la planète, même s’il fait aujourd’hui tirer sur son propre peuple. Le cynisme de la realpolitik. Le second cas de figure, lui, est plus intrigant.
Une analyse de Bernard Perrin du Courrier de Genève à lire sur le site du courrier : http://www.lecourrier.ch/la_libye_met_mal_a_l_aise_la_gauche_latino_americaine

ENTRE DEUX TOURS D’ELECTION

Par Pablo Chambi 

Lors des dernières élections qui ont eu lieu au Pérou le 10 avril dernier, seulement 5 candidats avaient la possibilité de passer au deuxième tour, à condition que personne n’atteigne un score supérieur à 50%.

Ollanta Humala (Gana Péru) avec 31,7 % et Keiko Fujimori (Fuerza 2011) avec 23,5 % ont réussi à passer au deuxième tour.Humala représentait la gauche tandis que les 4 autres candidats représentaient la droite (Fujimori, Kuczynsky, Toledo et Castañeda). Les candidats de droite prônaient le maintien de la constitution de 1993, notamment la poursuite du modèle basé sur l’exportation de matières premières. Keiko Fujimori, est fille de japonais. Kuczynsky, appelé le « gringo », car il parle l’Espagnol avec un accent américain, est un ex-fonctionnaire international ; alors qu’il était ministre de l’économie dans le gouvernement de Toledo, il a offert l’exploitation du gaz aux transnationales. Toledo, surnommé le « cholo »  mais avec un cœur et une âme “de gringo”, a voyagé très jeune aux USA avec le Corps de Paix et a été formé dans des universités américaines.

Chili, les Damnés de l’eau à Pau

De Marianne Ligou

Depuis une dizaine d’années, les villageois de Camaines, au Chili, résistent contre la multinationale minière Pelambres. Propriété d’actionnaires japonais et chiliens, la compagnie minière détruit une vallée : un immense barrage, fait de terre et de sable, a été construit et la rivière est à sec. Cet endroit est devenu la plus grande poubelle chimique d’Amérique latine. Dans ce pays où les tremblements de terre sont fréquents, les habitants vivent sous la menace permanente de la rupture du barrage qui a été construit juste au-dessus du village, sans respecter les normes anti­sismiques. L’air est pollué, les arbres fruitiers, activité principale de la vallée, sont moribonds. L’eau qui alimente le village devient rare et empoisonnée. Les villageois nous ont raconté « qu’elle coule jaune, et que les récipients deviennent verts à son contact ». Aucun laboratoire chilien n’a accepté d’effectuer des analyses de cette eau, ce qui en dit long sur les complicités à l’œuvre dans le pays.

L’affaire Becerra et la révolution bolivarienne : péril en la demeure !

Par Ataulfo Riera 

Afin de contribuer aux débats en cours au sein de la gauche anticapitaliste sur les récentes évolutions de la politique diplomatique vénézuélienne, nous publions ci-dessous le point de vue de Ataulfo Riera, membre de la direction nationale de la LCR-SAP (Ligue Communiste Révolutionnaire-Socialistische Arbeiderspartij), section belge de la quatrième internationale et militant internationaliste qui suit depuis de nombreuses années le processus bolivarien.

Le 25 avril dernier, prétextant une « alerte rouge » lancée par Interpol et suite à une demande personnelle du président colombien Santos, le gouvernement vénézuélien d’Hugo Chavez livrait aux autorités colombiennes le journaliste Joaquin Pérez Becerra, accusé par Bogota d’être un « terroriste », représentant de la guérilla des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) en Europe (1). Becerra, de nationalité suédoise et d’origine colombienne, avait fui son pays et obtenu l’asile politique en Suède, suite à la répression sanglante, menée par les paramilitaires, qui avait frappé dans les années 80 l’Union Patriotique, dont il était membre (4.000 victimes, dont la propre femme de Becerra).

LETTRES ET Révolutions

De Sophie Oudin-Bensaïd

Porto Alegre. Une nuit d’octobre 1984. Dans l’appartement d’un ancien nazi qu’il poursuivait, Celso, cerné, gît dans son sang. Suicidé ou abattu par la police ? En tentant de savoir, Flavia Castro retrace le parcours de son père, militant révolutionnaire : Brésil, Argentine, Chili, la lutte armée, la clandestinité, le spectre de la torture et la mort qui rôdent, l’exil à Paris puis au Venezuela, jusqu’au retour, et ses petits matins au goût amer…

Documents d’archives et lettres de Celso ; témoignages de ses camarades et des siens – dont des femmes ô combien épatantes ; souvenirs d’enfance de Flavia, embarquée dans cette aventure avec son petit frère, où elle jouait « aux réunions plutôt qu’à la marchande » ; rires des retrouvailles les années écoulées, et moments où l’on songe : toute une histoire, si loin, si proche.

On connaissait déjà Flavia Castro par le remarquable Che : Journal de Bolivie (Fipa d’or 1994), où elle était l’assistante-réalisatrice de Richard Dindo. Primé aux festivals de Biarritz, de Rio de Janeiro, de Punta del Este, entre autres, le film qu’elle signe aujourd’hui est passé le mois dernier à Buenos Aires devant des salles combles émues aux larmes, où toute une jeune génération était présente aussi.

L’homme qui aimait les chiens

De Leonardo Padura Fuentes

Le récit débute par l’aveu de l’assassinat de Léon Trotsky, par le piolet lui défonçant le crâne et son long cri qui figea d’effroi son assassin Jacques Mornard, en fait Ramon Mercader.
Entre réalité et fiction (mais il est difficile de délier le vrai de l’imaginaire) Leonardo Padura, auteur cubain vivant et écrivant toujours à Cuba, va nous conduire dans des histoires mêlées. De la Révolution espagnole aux exils de Léon Trotsky, des plongées dans le Cuba contemporain aux amours du « Vieux »… par un fil conducteur, l’affection portée aux chiens par bien des protagonistes de cet ouvrage, de la victime au meurtrier.

Ce roman est aussi un livre historico-politique qui traite de la bureaucratie stalinienne, de la révolution trahie, de l’histoire du xxe siècle. Remarquable aussi, le contexte de son écriture par un auteur cubain ayant déjà écrit de nombreux romans noirs dont les principaux personnages sont Cuba et le policier « borderline » Mario Conde.

Avec ce livre, Padura va politiquement et artistiquement au-delà de ses premiers ouvrages (qu’il faut lire aussi).

Solidarité avec les condamnés Mapuche de Cañete, en grève de la faim depuis le 15 mars

Dans la petite ville de Cañete, VIIIème région du Chili, à quelque 650 kilomètres au sud de Santiago, entre novembre 2010 et février 2011, 17 prisonniers politiques Mapuche ont été l’objet d’un procès au cours duquel ils ont été poursuivis pour une série de délits affectant la propriété privée, une supposée « attaque » contre un procureur de la République chilienne. Ils ont également été accusés de former une organisation terroriste. Leur procès a été instruit en faisant usage de la loi anti-terroriste, héritage de la dictature militaire de Pinochet, ce qui a considérablement réduit leur droit à la défense et in fine les a privés d’un procès équitable. Finalement, sur les 17 accusés, seuls 4 d’entre eux ont été condamnés, sur la base d‘accusations de « témoins secrets » dont l’identité a été occultée aux avocats de la défense, entachant leurs témoignages de partialité.